Il y a d’abord, caché en boule sous ce mot miraculeux, tout ce que l’on y entend, dissimulé dans les raclements sonores du « r », ou soulevé furtivement par la petite pointe du « i » : crier, rire, encre, désir, réciter, fuir, crisser, écran, créer, et même récriminer, ils s’y tapissent tous ensemble, même s’ils font parfois naïvement semblant de ne pas être là.
Il y aussi le geste, celui du poignet qui picote ou frémit d’envie, celui de la pointe du feutre qui menée par la danse des doigts s’écrase et trace pour le pur plaisir de laisser une volute sur la page, éphémère enluminure qui finira à la poubelle, sans doute, mais laisse aussi à ceux qui n’avaient pourtant rien à dire la même joie intense et un peu vandale que d’avoir le premier marché dans la neige de l’allée.
Il y a bien sûr la satisfaction d’avoir parlé sans la bouche, sans même le regard. Les mains sont décidément très fortes. Elles s’en vantent en s’agitant dans les airs et parfois au-dessus d’un clavier. Elles jouent les ventriloques et feignent d’oublier comme nous que sans stylo elles devraient parfois en rabattre.
Il y a surtout la libération d’avoir pu poser là l’idée, de s’en être débarrassé en quelque sorte, d’elle qui nous encombrait l’esprit en se transformant sans cesse et malgré nous en phrase, puis en formules répétées, modulant les synonymes, fuyant la mollesse d’un mot flou, cherchant à mieux se dire alors que finalement on ne lui en demandait pas tant. Alors on l’écrit enfin l’idée, on la claque sur le papier, mais ce n’est pas encore fini - on se relit, une fois puis deux puis trois, en affectant un détachement qui n’a rien de sincère. On voudrait pouvoir se lire de l’extérieur pour savoir si ça en vaut la peine et puis on abandonne car on sait ce qui arrive à qui regarde trop son reflet. Alors on livre l’idée aux autres et à l’aventure, ou bien au fond du tiroir, tiédeur obscure dont elle sortira plus tard, ou bien encore au feu mais sans illusion. Elle reviendra sous d’autres mots.
Enfin le plaisir vertigineux de se dire qu’écrire épuise parfois mais ne s’épuise pas. Le souffle de l’infini passe alors, sérieux et grandiloquent, sur les petits signes noirs étonnés de tant de possibles. A nous les mots demain comme aujourd’hui, en combinaisons simples ou savantes, dans d’autres histoires, jusqu’à plus soif.
Ecrire un billet d’humeur. Choisir les mots même s’ils ne sont pas tout neufs, les agencer en leur choisissant la bonne place et fignoler son texte. Il y des mots qui surgissent tout à coup comme le diable qui sort de sa boîte. Affligeant est ce mot. Le 28 avril dernier, le grand quotidien régional de l’Ouest publie comme d’habitude le courrier des lecteurs. Un titre et une photo illustrent le thème. Après lecture de ce fatras de mots accusateurs, de ce fatras de mots qui dénoncent une génération, de ce fatras de mots qui montrent d’un doigt dénonciateur les acteurs de cette période dite « les trente glorieuses ou les trente désastreuses ». Comme si cette génération devait se taire parce que celle-ci est à la retraite, bien confortablement installée dans les hôtels que l’on nomme maisons de retraite. Comme si cet intervalle de trente années est à lui seul à l’origine des enjeux économiques et écologiques qui sont d’actualité, sans faire aucune référence à la guerre d’Algérie, à la guerre d’Indochine, à la guerre du Vietnam, à la seconde guerre mondiale, à la première guerre mondiale, à la guerre de 1870 et ainsi de suite jusqu’à la révolution industrielle, … « Une génération qui a profité de tout et ne se sera privée de rien ». Une réflexion bien déficiente qui ne cherche qu’à catégoriser. Un confinement, avec ses effets délétères, qui serait dû au fait que les plus de soixante dix ans seraient obligés de rester confiner après le 11 mai. Quid du covid-19 qui a imposé un confinement général. Covid-19 qui atteint les générations les plus faibles mais aussi les cinquantenaires. Aussi Affligeant est bien la distance qui sépare la presse régionale de la bonne presse nationale. J’ai attendu deux jours avant d’écrire ou de fignoler ce billet pour continuer à alimenter un forum. Le hasard a voulu que le 29 avril, le verbe fignoler soit le trente neuvième mot proposé et qu’aujourd’hui le verbe écrire clôture cette liste. Quarante verbes comme des lueurs dans notre nuit de confinement, des lumières qui brillent comme des éclats de verre que nous nommons aussi Tesson(s).
Écrire pour
Écrire contre
Écrire sur
Écrire sous
Écrire derrière
Écrire par-dessus
Écrire mais Écrire avant
Écrire après
Écrire pendant
Écrire à
Écrire de
Écrire si
Écrire parce que
Écrire avec
Écrire sans
Écrire quand
Écrire sauf quand
Écrire en
Écrire face à
Écrire trop
Écrire vite
Écrire le
Écrire la
Ecrire
Il y a d’abord, caché en boule sous ce mot miraculeux, tout ce que l’on y entend, dissimulé dans les raclements sonores du « r », ou soulevé furtivement par la petite pointe du « i » : crier, rire, encre, désir, réciter, fuir, crisser, écran, créer, et même récriminer, ils s’y tapissent tous ensemble, même s’ils font parfois naïvement semblant de ne pas être là.
Il y aussi le geste, celui du poignet qui picote ou frémit d’envie, celui de la pointe du feutre qui menée par la danse des doigts s’écrase et trace pour le pur plaisir de laisser une volute sur la page, éphémère enluminure qui finira à la poubelle, sans doute, mais laisse aussi à ceux qui n’avaient pourtant rien à dire la même joie intense et un peu vandale que d’avoir le premier marché dans la neige de l’allée.
Il y a bien sûr la satisfaction d’avoir parlé sans la bouche, sans même le regard. Les mains sont décidément très fortes. Elles s’en vantent en s’agitant dans les airs et parfois au-dessus d’un clavier. Elles jouent les ventriloques et feignent d’oublier comme nous que sans stylo elles devraient parfois en rabattre.
Il y a surtout la libération d’avoir pu poser là l’idée, de s’en être débarrassé en quelque sorte, d’elle qui nous encombrait l’esprit en se transformant sans cesse et malgré nous en phrase, puis en formules répétées, modulant les synonymes, fuyant la mollesse d’un mot flou, cherchant à mieux se dire alors que finalement on ne lui en demandait pas tant. Alors on l’écrit enfin l’idée, on la claque sur le papier, mais ce n’est pas encore fini - on se relit, une fois puis deux puis trois, en affectant un détachement qui n’a rien de sincère. On voudrait pouvoir se lire de l’extérieur pour savoir si ça en vaut la peine et puis on abandonne car on sait ce qui arrive à qui regarde trop son reflet. Alors on livre l’idée aux autres et à l’aventure, ou bien au fond du tiroir, tiédeur obscure dont elle sortira plus tard, ou bien encore au feu mais sans illusion. Elle reviendra sous d’autres mots.
Enfin le plaisir vertigineux de se dire qu’écrire épuise parfois mais ne s’épuise pas. Le souffle de l’infini passe alors, sérieux et grandiloquent, sur les petits signes noirs étonnés de tant de possibles. A nous les mots demain comme aujourd’hui, en combinaisons simples ou savantes, dans d’autres histoires, jusqu’à plus soif.
Marjolaine, le 30/04/20
Ecrire
Elle est pour toi cette chanson
A toi Gérard qui sans façon
Nous a donné quarante mots
Dans notre vie en mode clos.
Toi qui nous a permis d’écrire
En cette période confinatoire
Quand ce virus de nos déboires
Aurait pu nous faire dépérir.
Ce n’était rien que quelques mots
Mais qui nous ont ouvert l’esprit
Et dans notre âme ils ont fleuri
Et germés dans le même pot.
A toi, Gérard quand on s’verra
Dans l’Cotentin, ça va de soi.
On trouv’ra bien d’autres merveilles
Et d’autres soleils.
Chantal et Jean Clais
Écrire pour clôturer quarante jours de propositions
Inattendues, drôles, bienvenues, compliquées…
Toujours stimulantes.
Pirouette, cacahuète
Écrire en musique
Au revoir les Pirouésies.
Claudine
ECRIRE
J'écris, j'ouvre ma fenêtre et je lance ma lettre,
Comme on jette une bouteille à la mer.
Le vent s'en empare, la fait virevolter vers l'océan.
Peut-être sera-t-elle gobée par une mouette rieuse et illettrée.
Mais peut-être arrivera-t-elle à mon aimée
Qui m'attend quelque part
Et que je ne connais pas encore.
Job
Écrire
Saisir les mots en plein élan
dans cette marmite crânienne
où bête et ange tout se mélange
les faire passer par le cœur
irriguer la froide blancheur
de la page plage de silence
d'un sang d'encre sympathique
dessiner quelques motifs émotifs
laisser courir tracer pied à pied
sans compter le nombre de ses pas
comme un sillon sensible
un sillage de mots souples et fluides
s'approcher sans faire de bruit
de l'origine aux multiples racines
du mystère qui nous anime
il nous faut des mots qui cherchent
des mots qui touchent
sautent les barrières qui nous séparent
des mots qui embrassent la vie
contagieux de tendresse
armés de vraie douceur
mais il nous faut aussi des mots
qui s'éclairent et qui lucides
démasquent les fausses candeurs
invitent des images fécondes
soulèvent des brises rêveuses
brisent les chaînes de la haine
il nous faut des mots clairs
pour percer le brouillard épais
des phrases mâchées rabâchées
qu'on nous verse en averse
dans le fond des oreilles
il nous faut des mots solides
et solidaires limpides et solaires
des mots qui élargissent l'horizon
des amis mots qui s'entendent
à dissoudre la souffrance obscure
des mots inventifs et germinatifs
qui poussent en arborescences
en luxuriances multiples
des mots remèdes à la nuit
histoire de réparer la vie
RÉPARER LA VIE
Gérard T
écrire une chanson pour sa belle : « 8 pas au bout du monde », une balade qui serait aujourd’hui interdite.
Nous marchions tous les deux / pieds nus sur le rivage
Le soleil descendait / et la mer remontait
C'était courant juillet / de cette même année
Où les pauvres jaunissaient / et les riches triomphaient
Nous longions les flots gris / qui mouraient sur le sable
Qui massaient tes mollets / effleuraient ton short Gris
Ta démarche chaloupée / par la houle amplifiée
Tu semblais onduler / le trouble me submergeait
Nous longions les flots gris / qui mouraient sur le sable
Ici la laisse de mer / du varech se nourrit
C'est dans cette limite / à chaque flux repoussée
Que j'inscrivais mes pas / aussitôt effacés
Une brise s'était levée / tout à coup de l'air frais
dans la beauté du ciel / nous faisait frissonner
La lumière déclinait / le soleil lui tombait
Dans la mer irisée / orangée puis bleutée
Nous marchions tous les deux / pieds nus sur le rivage
Le soleil descendait / et la mer remontait
C'était courant juillet / de cette même année
Où les pauvres jaunissaient / et les riches triomphaient
30 avril 2020-André
Ecrire
Pourquoi écrire ?
Parce que c’est jouissif !
Ecrire, c’est jouer avec les lettres de l’alphabet,
Ecrire, c’est jongler avec les mots,
Ecrire, c’est décrire avec les verbes,
Ecrire, c’est inventer avec les noms,
Ecrire, c’est raconter avec les phrases,
Ecrire, c’est rêver avec les textes,
Ecrire, c’est captiver avec les récits,
Ecrire, c’est créer avec les sonorités,
Ecrire, c’est s’amuser avec la ponctuation,
Ecrire, c’est imaginer avec la fiction,
Ecrire, c’est documenter avec la réalité,
Ecrire pour sortir les émotions,
Ecrire pour rire, pour pleurer,
Ecrire au crayon, au stylo, au porte-plume, au fusain, aux encres de toutes les couleurs comme les couleurs de l’arc-en-ciel !
Ecrire à la craie pour un message éphémère!
Ecrire sur une feuille, sur du carton, sur du tissu, sur du sable,
Ecrire, c’est pyrograver sur du bois,
Ecrire, c’est tatouer sur la peau,
Ecrire pour le plaisir!
Ecrire en quarantaine pendant le confinement de l’an 2020!
Isabelle M-L
Jeudi30.04.20
Midi pile ! Ecrire dernier mot du jour pour Ecrire en quarantaine.
Jeudi30.04.20Midi pile ! Ecriredernier mot du jour pourEcrire en quarantaine.
Ecrire pour rire, écrire pour dire,
En vagues reflets de nos délires
En hautes et basses fortes marées,
Flux et reflux de nos idées.
Sans périr, mais en la demeure
Aux 4 coins comme imposée,
S’enquérir, cueillir belles fleurs
Du mal ou du bien en mêlées.
Sans flétrir au fil des heures
Déplier le mot proposé,
Sans quarantaine pour le cœur
A faire battre, moultes pensées.
SMS tout plein de semences,
Trio de lettres ce mot pluriel
Trie consonances jusqu’au miel,
A huiler échanges essentiels.
On patauge bien plus que l’on nage
En eaux vives, plongeons dans la marge,
A porter voix pour monde en marge
Pour remembrer leurs paysages.
A mains nues, manier le tire-ligne
En vue d’ajuster les tirelires,
A bien relire entre les vignes
Ensemble, déguster bel avenir !
Chantal Danjon FOTOPOésie
Ecrire,
Ecrire un billet d’humeur. Choisir les mots même s’ils ne sont pas tout neufs, les agencer en leur choisissant la bonne place et fignoler son texte. Il y des mots qui surgissent tout à coup comme le diable qui sort de sa boîte. Affligeant est ce mot. Le 28 avril dernier, le grand quotidien régional de l’Ouest publie comme d’habitude le courrier des lecteurs. Un titre et une photo illustrent le thème. Après lecture de ce fatras de mots accusateurs, de ce fatras de mots qui dénoncent une génération, de ce fatras de mots qui montrent d’un doigt dénonciateur les acteurs de cette période dite « les trente glorieuses ou les trente désastreuses ». Comme si cette génération devait se taire parce que celle-ci est à la retraite, bien confortablement installée dans les hôtels que l’on nomme maisons de retraite. Comme si cet intervalle de trente années est à lui seul à l’origine des enjeux économiques et écologiques qui sont d’actualité, sans faire aucune référence à la guerre d’Algérie, à la guerre d’Indochine, à la guerre du Vietnam, à la seconde guerre mondiale, à la première guerre mondiale, à la guerre de 1870 et ainsi de suite jusqu’à la révolution industrielle, … « Une génération qui a profité de tout et ne se sera privée de rien ». Une réflexion bien déficiente qui ne cherche qu’à catégoriser. Un confinement, avec ses effets délétères, qui serait dû au fait que les plus de soixante dix ans seraient obligés de rester confiner après le 11 mai. Quid du covid-19 qui a imposé un confinement général. Covid-19 qui atteint les générations les plus faibles mais aussi les cinquantenaires. Aussi Affligeant est bien la distance qui sépare la presse régionale de la bonne presse nationale. J’ai attendu deux jours avant d’écrire ou de fignoler ce billet pour continuer à alimenter un forum. Le hasard a voulu que le 29 avril, le verbe fignoler soit le trente neuvième mot proposé et qu’aujourd’hui le verbe écrire clôture cette liste. Quarante verbes comme des lueurs dans notre nuit de confinement, des lumières qui brillent comme des éclats de verre que nous nommons aussi Tesson(s).
Patrice Monchy, le 30 avril 2020